«Le raisin, c’est mon péché mignon» Des plats de son enfance 
à ses goûts d’aujourd’hui: chaque mois, une personnalité romande se met à table

(11/10/16)

Le Temps

Se retrouver dans le bureau du célèbre avocat fiscaliste Xavier Oberson est un moment particulier. L’homme est réputé hyperactif. Au point d’arriver à concilier ses occupations professionnelles avec une de ses passions: la musique, qu’il pratique en tant que guitariste aguerri avec son groupe rock Out of Law. «J’éprouve un besoin quasi viscéral d’évasion. La musique est un shoot d’adrénaline absolument vital qui me permet de me libérer totalement de mon quotidien.»

Les portraits des légendes ornent d’ailleurs les murs de son étude. Carlos Santana et Keith Richards cohabitent tout naturellement avec les innombrables dossiers fiscaux dont l’accumulation dans un désordre maîtrisé fait ressortir la rigueur des lieux. Entre un cours de droit à l’Université de Genève, un rendez-vous pour le boulot ou un concert, découvrons ce qui fait culinairement vibrer ce personnage aussi médiatique que discret, membre du conseil de fondation du Montreux Jazz Festival et tout nouveau président de celui du Centre d’art contemporain de Genève.

L’échange et le partage comme motivations

Les odeurs de la cuisine familiale évoquent des souvenirs nostalgiques dont il parle avec une émotion contenue. «Ma mère était bonne cuisinière et préparait un magnifique hachis parmentier ainsi que de succulentes endives au jambon. Je me rappelle encore de la place attribuée à chacun autour de la table à la maison.»

La table justement. Elle est restée ce moment privilégié, l’occasion pour le Genevois de mettre sur pause un rythme de vie effréné. «Pour vous dire la vérité, je sors beaucoup; j’aime converser avec des amis. Ma motivation première n’est pas le nombre des sorties mais le plaisir que j’éprouve à échanger et partager. C’est très important pour moi et peut-être encore plus le soir. J’ai tellement peu de temps pendant la journée.»

Gastronome pressé

Pour cet homme pressé, le moment passé à table doit cependant être bref. Finis les interminables repas d’affaires. Impossibles, les restaurants gastronomiques aux énoncés de menus longs comme une nuit d’hiver. «Je pourrais éventuellement allonger le repas si je changeais de salle toutes les heures. Je ne tiens pas en place. Par contre, je préfère que mes amis évitent de me parler de mon métier. Imaginez: donner des conseils fiscaux en dégustant un bon plat! Les gens pensent souvent qu’en ma compagnie c’est un sujet qu’ils doivent forcément aborder.»

Ni pain, ni patates

Chaque pays a développé des cuisines différentes liées à son patrimoine et ses racines culturelles. Pour Xavier Oberson, la connaissance d’un lieu, son identité et ses traditions passent inévitablement par la découverte de sa cuisine. L’occasion de s’essayer à de nouveaux goûts, à d’autres approches gastronomiques. «Lors d’un récent voyage à Berlin, dans le cadre d’une soirée indo-indonésienne, j’ai eu la chance de déguster un menu fascinant qui proposait un plat et un spectacle en provenance de ces régions d’Asie. J’aime retrouver la culture de chacun à travers les préparations qui me sont proposées.»

Entre travail et musique, Xavier Oberson s’astreint depuis deux ans à un régime strict. «Je me suis remis en question en faisant de l’acupuncture. J’ai aussi décidé d’opérer quelques changements dans mon alimentation. Je fais très attention à ce que je mange et, du fait de mes nombreuses sorties, je m’impose une certaine rigueur diététique.» Par exemple? En supprimant tous les féculents de son alimentation. Le pain et les pommes de terre ont été bannis. Le riz reste exceptionnel. Avant un cours à l’Université de Genève, on le verra consommer quelques amandes ou des noix de cajou, bio de préférence. Le raisin, par contre, est consommé sans modération. «L’étude déborde de grappes. C’est mon péché mignon.»

Fondue au burger

Avant une performance sur scène, l’ambiance est au plaisir, mais toujours sous contrôle. «Je prends volontiers une tagliata de bœuf ou un beau poisson. Il faut être capable de tenir la distance pendant presque deux heures.» Il s’autorise alors les féculents, riches en calories, et noie sont trac dans un verre de vin rouge.

Aux Etats-Unis, où il a décroché son master de droit de l’Université de Harvard, Xavier Oberson stocke en mémoire des expériences culinaires improbables. Et le souvenir immense des crustacés servis au restaurant Legal Sea Foods. «Je me rappelle encore de leurs délicieux et gigantesques homards.» Dans un autre registre, la fondue en version US reste une vision, disons, traumatisante pour n’importe quel citoyen helvétique. «C’était dans un pseudo-chalet suisse où des étudiants trempaient des morceaux de hamburgers dans une moitié-moitié. Mémorable.»

Quel menu pour un dernier repas?

Reste la question fatale, le festin ultime: «Quel serait votre repas, si c’était le dernier?» Le fiscaliste répond sans hésiter qu’il commencerait par une bonne tomate mozzarella et poursuivrait par des filets de perche du lac accompagnés de beaux légumes verts. «Un plaisir gustatif associé à l’image de la région et du produit pour rester fidèle à mes racines culturelles.» Et pour le dessert? «Un soufflé au chocolat». Speed mais gourmand.

Edouard Amoiel